On peut partir à la guerre parce qu'on a l'âme combative, mais même un artiste désireux de voir sa patrie libre peut s'y engager à pieds joints...
Aujourd'hui, c'est à mon tour de vous raconter l'histoire du commando dont j'ai emprunté le nom, Maurice Chauvet : commando tenace et artiste à la fois. Je suis retombé sur une ébauche que j’avais commencée il y a quelques années, dans mon vieux Disque Dur Externe qui me sert de fourre-tout, et je me suis dit que j’allais la terminer ! Cela me tenait à cœur, au fur et à mesure que je creusais pour une recherche personnelle sur l'un de ces 177 grands Hommes, de vous le faire partager.
Quartier-Maître
Troop 8
Maurice Chauvet
Le commando Chauvet porte le badge n°119 et possède le matricule 538 FN 43
Maurice Chauvet, est un breton né au Gâvre le 12 juin 1918 à l'aboutissement de la première guerre mondiale. C'est une période néanmoins tourmentée, durant laquelle les allemands, sachant pertinemment l'arrivée effective des troupes américaines, renforcera sa frontière ouest et poussera sur le territoire français jusqu'à Reims et Soissons pour tenter une victoire éclair contre les forces anglaises et françaises.
Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclata, il faisait depuis 1936 des études d'arts-déco. Il s’engagea alors vers une tout autre vie, celle de matelot fusilier dans la Marine sur le croiseur « George Leygues ». Il travaillera aussi les cartes et les dessins, ce qui lui vaudra l’honneur de dessiner l’insigne du bataillon quelques années plus tard. Après l’invasion de la France par les allemands, Chauvet refusant l'occupation, il tenta de joindre l’Angleterre et les Forces Navales Françaises Libres (FNFL), et appris qu’il fût condamné à 10 ans de travaux forcés par le gouvernement de Vichy pour désertion. Peine qu'il ne purgera jamais...
Dans le début des années 1941, il essaya de voler jusqu’en Angleterre par le biais de l’Espagne, mais fût arrêté par la garde civile de Franco et passera quasiment 18 mois dans le camp de concentration notoire de Miranda de Ebro dans le nord du pays hispanique. Il parvint à se rendre en Angleterre le 6 Juin 1943, un an avant jour pour jour la date du débarquement de Normandie, et s’engagea dans les FNFL.
Il se porte volontaire pour rejoindre les commandos, et se retrouve dans le camp d’Achnacarry, le fameux camp de commandos à l’entraînement éprouvant que nous connaissons maintenant tous ! Il y apprit entre autre, comme chaque commando le fera, à gravir des montagnes, traverser des rapides, courir sur des kilomètres avec un lourd package, engager un combat au corps à corps…
Il réalisera plusieurs croquis d’insigne pour le premier Bataillon Fusiliers Marins Commando (B.F.M.) sous l’œil de l’Amiral Thierry d’Argenlieu, dont il approuvera celui que nous connaissons actuellement après la modification d’un détail pour lui dérangeant… (cf. la vidéo du témoignage de Chauvet à ce propos)
Il bougera, ainsi que tout le commando, plus au sud en Mai 1944 pour l’entraînement final à Titchfield Hampshire, dans un camp où ils furent confinés, coupés du monde extérieur car ayant accès à des informations précises, classées top secrètes, sur le débarquement et ses moindres détails.
Le jour du débarquement tant attendu est arrivé, Chauvet prend place dans la barge LCI 527 au côté de sa troop : la Troop 8 celle qui fût touchée par un obus à l’avant peu avant leur débarquement sur la plage, et qui blessera les officiers présents à bord dont le Commandant Kieffer. Quelques heures plus tard, il fera partie des 114 commandos survivants à atteindre le Casino de Ouistreham. Il fût blessé et tomba malade le 10 Juin 1944, 4 jours après le Jour-J, et fût rapatrié en Angleterre.
Après la guerre, Maurice Chauvet travailla comme artiste et cinéaste, notamment pour le centre français de recherche aérospatiale (ONERA). Il écrivit plusieurs livres, et participa en tant que conseiller technique à la réalisation du film « Le jour le plus long ».
Maurice Chauvet, mourut le 21 Mai. Il aurait eu 92 ans quelques semaines plus tard.
Son placard :
(De gauche à droite et de haut en bas)
- Médaille de la Légion d'Honneur
- Médaille commémorative de la France Libre
- Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile d'argent
- Médaille des évadés
- Médaille de la déportation et de l'internement
- Insigne des blessés militaires
- Croix du combattant
(J'ai du mal à trouver la dernière médaille tout en bas...)
Décorations citées lors de ses funérailles mais non présentes sur la photo :
- Croix du combattant volontaire :
- Médaille du combattant volontaire de la Résistance :
Insigne :
Ses talents de dessinateur seront mis à l'œuvre dès l'année de son arrivée dans le Commando, en 1943, où il aura pour mission de dessiner ce badge, symbole emblématique et toujours d'actualité, porté par les commando marines sur leur béret vert. Dans cette interview Maurice Chauvet raconte la naissance de cet écusson.
Voici la description, plutôt poétique, qu'il en fera :
" Sur un écu de bronze, qui est la France, portant au centre le brick de l'aventure supporté par des vagues, surchargé d'un poignard commando, dirigé du canton senestre du chef au canton dextre de la pointe, et décoré d'une croix de Lorraine dans le canton dextre du chef. L'écu repose sur un ruban portant l'inscription " Premier Bataillon F.M Commando" ses deux extrémités repliées montrent deux petites ancres rappelant l'origine marine de l'unité."
Bibliographie :
- Lancelot, soldat de la France Libre (BD)
- Mille Et Un Jours Pour Le Jour J - Un Béret Vert Français Raconte (Je l'ai commandé, je vous dirai ce que j'en pense et si je vous le recommande)
- It’s a long way to Normandy, 6 juin 1944 : Le débarquement vu par un des 177 du commando Kieffer
- Revue "Hommes de Guerre" N°19 de juillet-août 1989 (Article)
Apparitions :
Je vous invite, si vous ne l'avez pas déjà vu, à regarder cette petite interview de quelques minutes faite en 1984, sur 13 des membres du Commando Kieffer dont Paul Chasse ainsi que mon commando : Maurice Chauvet.
Maurice Chauvet y prendra la parole plusieurs fois, notamment de 0:44 jusqu'à 1:45 et de 3:05 à 4:10.
Ou encore ce reportage, un peu plus long, datant du 6 Juin 1969 : 25 ans J pour J du D-Day, dans lequel Maurice Chauvet est le premier commando que l'on entend parler à 0:41.
EDIT : En regardant une nouvelle fois la vidéo de présentation que tout le monde a vu en rentrant dans le CK, j'ai remarqué qu'il faisait partie des 10 membres du Commando à retourner au camp d'Achnacarry. Il est facilement reconnaissable, il porte un bandana à son œil gauche suite aux problèmes de vue qu'il a eu, ainsi qu'un pantalon aux couleurs écossaises. Il n'y prendra jamais la parole cette fois.
Vous remarquerez peut-être, du moins cela m'a marqué, la manière avec laquelle il s'exprime, que ce soit lorsqu'il avait 41, 66 ou les 80 ans passés. Il a vraiment une expression d'artiste, une élocution calme, même après ce qu'il a traversé aux côtés de ses compagnons et cela m’impressionne et me rend encore plus admiratif que je ne l'étais déjà.
De plus, sa mémoire semble aiguisée, et se remémore ce jour de manière limpide. Cela peut certes être un événement marquant dans la vie d'un Homme, mais que lui ainsi que les autres commandos nous le fassent ainsi partager, cela renforce le devoir de respect et de mémoire que méritent ces Hommes.
Paix à son âme, paix à leur âme.
J'espère que cette petite fiche vous aura plu, et qu'elle vous en aura appris un peu plus sur le commando Chauvet.
Si vous souhaitez apporter des précisions (notamment pour m'aider à trouver la médaille qu'il me manque), ou en demander, n'hésitez pas à marquer cela en commentaires. Si j'ai fait des fautes aussi !
Merci.
Sources :
http://commandokieffer.canalblog.com
http://ecole.nav.traditions.free.fr/177_chauvet.htm
http://www.telegraph.co.uk/news/obituaries/7809382/Maurice-Chauvet.html
http://www.dday-overlord.com/temoig...ment-de-normandie-6-juin-1944-jour-j-page-12/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Chauvet
http://commandokieffer.fr/forum/index.php?topic=57.msg65#msg65
http://secretdefense.blogs.liberation.fr/2010/05/21/disparition-de-maurice-chauvet/