A SAVOIR Les proffesseurs ne peuvent plus punir en primaire.

  • Les spé armes sont obligatoires en multi sauf sur Rust, Shipment, Stash House, Das Haus et Meat.
    Spé arme non applicable sur Warzone, Zombie et CDL.

    Vendredi 19 Avril, Scénario.
    Vendredi 26 Avril, Scénario.

    Vendredi 03 Mai, Scénario.
    Vendredi 10 Mai, RD entre CK sur Quarry
    Vendredi 17 Mai, Scénario.
    Vendredi 24 Mai, Scénario.
    Vendredi 31 Mai, Scénario..

    Vendredi 07 Juin, Scénario sur CoD2 pour le 80e anniversaire du Jour-J.
    Vendredi 14 Juin, Scénario.
    Vendredi 21Juin, Scénario.
    Vendredi 28 Juin, Soirée spécial.
5 Décembre 2017
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J'ai trouver ce long récit sur un forum de professeur en colère je vous laisse le lire:


« Après Consuelo et Myriam, évoquons Antoine : 9 ans, petit, mais capable de développer une force considérable. Antoine a la haine. Comme tout le monde, il a peur de Myriam et de Consuelo ; mais ni Consuelo ni Myriam ne s'approchent trop de lui. Myriam, je l'ai dit, s'en prend surtout aux enfants beaucoup moins forts qu'elle : elle ne voit pas trop d'intérêt à prendre des risques inutiles quand il y a tant, dans cette grande école, de petites proies faciles à sa portée. Elle ne cherche donc pas trop noise à Antoine. Elle a raison.

« Un jour, dans le couloir, un élève de la classe a dû agacer Antoine. C'est Quentin, sorte de Myriam pâlichon au masculin, beaucoup moins dangereux qu'elle parce que beaucoup moins fort dans tous les domaines : moins fort physiquement, moins intelligent. La preuve : il ne s'est pas rendu compte qu'il ne fallait pas titiller Antoine. Il ne l'embêtera plus. J'ignore ce qu'il a fait mais j'ai vu Quentin voltiger en l'air. Antoine l'a bien projeté à 2 mètres de hauteur. Je m'en souviens très bien : j'ai dû lever la tête ! J'ai vu passer devant moi le baron de Münchhausen. Par je ne sais quel miracle, en s'écrasant sur le sol Quentin ne s'est rien cassé. Ils ont appris à s'endurcir : seul véritable apprentissage que fournit ce type d'école. Silence. Tiens, c'est la première fois qu'ils ne font aucun bruit. Tout le monde se tait. Consuelo et Myriam s'écartent prudemment d'Antoine. Antoine est très dissuasif dans ces moments-là.

« Ai-je puni Antoine ? Non bien sûr. Comment aurais-je pu le punir après ça ? En lui faisant recopier 10 fois : je ne dois pas envoyer valdinguer mes petits camarades jusqu'au plafond ? Imaginez la tête d'un parent d'élève ou d'une inspectrice qui tomberait là-dessus : mais Monsieur, qu'est-ce que c'est que ces sornettes ? qu'est-ce que vous leur faites écrire ? vous êtes devenu fou ? vous avez bu ?

« Alors convoquer son père ? Inutile, il ne se déplacera pas. Et d'ailleurs, je sais très bien que cela ne changerait rien au comportement d'Antoine. J'en parlerai bien sûr lors des prochaines réunions entre maîtres, Antoine étant « signalé » comme les trois quarts de la classe, mais nous savons tous aussi que ce genre de petites discussions n'ont jamais résolu aucun problème de ce type. Du reste, Antoine n'est pas le plus perturbateur de la classe ; contrairement à Consuelo ou Myriam il ne m'a presque jamais manqué de respect ; il ne ment jamais non plus, et bref, puisque les recommandations officielles de l'Education nationale nous demandent tout le temps de DISCUTER, pour une fois, dans le cas précis d'Antoine, je décide que c'est... la seule solution du moment à ma disposition. (Je rappelle quand même que dans de nombreux cas cette injonction du Discuter-Négocier-Comprendre est une vaste fumisterie : allez donc voir si c'est efficace à long terme avec Consuelo ou Myriam !)

« Bien entendu, si j'avais eu le pouvoir de renvoyer Antoine quelques jours de l'école, je l'aurais fait. Sans acrimonie contre lui. Par pur principe. Pour que tous les élèves se rendent compte qu'on peut être sanctionné pour violence à l'école. Mais je rappelle pour la énième fois qu'en primaire les sanctions ne sont PAS autorisées. (Et si j'en crois notre actuel ministre de l'Education nationale, elles vont continuer de l'être toujours moins dans le secondaire ; c'est dire à quel point le pire est encore devant nous...)

« Je n'allais pas non plus dire à Antoine : je te prive d'une moitié de chaque récréation pendant deux jours, rare punition encore autorisée en primaire. Parce que ç'eut été insignifiant par rapport à l'acte commis. (Quentin aurait très bien pu se retrouver en fauteuil roulant jusqu'à la fin de ses jours.) Parce que je préfère qu'Antoine aille se défouler en courant. Parce qu'en le privant de récréation je me serais moi-même privé de toutes mes pauses pendant deux jours. Les gens sont parfois très naïfs : certains croient que nous, les professeurs du primaire, cela nous fait plaisir de punir. Ils se trompent d'époque. Quand un professeur d'aujourd'hui punit un élève, il se punit lui-même puisque cela lui fait du travail en plus. Au lieu de souffler pendant 5 minutes, au lieu de faire une petite pause-café ou une pause-pipi, on s'oblige pendant la récréation où l'on n'est pas de service à garder un élève. Et comme on ne peut pas rester seul avec un élève, on s'oblige à en garder plusieurs ! Et quand la sonnerie sonne, on s'aperçoit que l'on n'a plus le temps d'aller à la photocopieuse...

« Comme enfin ce type de micropunitions ne dissuade plus aucun de ces élèves-là depuis longtemps, — ce qu'ignorent superbement les hauts fonctionnaires du ministère de l'Education nationale — puisque donc elles sont parfaitement inefficaces (et qu'on ne peut d'ailleurs rien faire si un élève, simplement, REFUSE de faire sa punition...) : moins on « punit », mieux on se porte.

« Voilà pourquoi Antoine ne fut pas puni.

*
* *

« La discussion avec Antoine fut toutefois très instructive. Antoine est très différent de Consuelo ou Myriam : lui, il assume tout ce qu'il fait et le justifie arguments à l'appui. Je découvris un enfant parfaitement rationnel, bien plus lucide que la plupart des adultes que nous sommes. Son raisonnement fut d'une logique implacable. Il m'expliqua calmement que :

— Il ne verrait pas d'inconvénient à ce que je le punisse mais il sait très bien que, par rapport à ce qu'il a fait, je ne peux pas le punir.

— Il souhaiterait surtout que je punisse tous ceux qui font des bêtises mais il voit bien que dans cette école les adultes ne punissent jamais les enfants [comprendre : de façon suffisamment dissuasive] et que les enfants continuent donc tout le temps de se taper entre eux.

— Il sait bien pourquoi les adultes ne punissent jamais les enfants : parce qu'ils n'en ont pas le droit.

— Il a compris ça depuis très longtemps, ce qui guide sa conduite depuis toujours : chaque fois qu'il se fait embêter, il a pris l'habitude de ne pas aller se plaindre auprès d'aucune maîtresse et il préfère se faire justice lui-même.

— Il est d'ailleurs satisfait de son propre comportement puisqu'il a remarqué que c'était plus efficace que d'aller se plaindre : lui, en général, on le laisse tranquille malgré sa petite taille.

« Antoine a tout bien résumé. Je n'ai rien à ajouter. Avant de nous séparer, je lui susurre les petites phrases à dire dans ces cas-là : tu sais que tu aurais pu lui faire très mal, il faut vraiment que tu te calmes un peu, je me fais du souci pour toi, allez, va courir un bon coup. Voilà, j'ai fait mon job, il vient de m'expliquer qu'à la moindre occasion il recommencera mais j'ai fait mon job...

« En trois minutes il avait fait le tour du problème : les professeurs n'ont plus aucun pouvoir à l'école. Je n'aurai pas pu dispenser beaucoup de leçons dans cette école mais j'en aurai prises. Comme sur le banc de l'université, je prends des notes. Antoine, 9 ans, m'explique la vie.

« Bien sûr, il ne manquait pas d'exemples. Il prouve les choses les unes après les autres : regarde ! Hier [untel a fait ça], qu'est-ce qu'il a eu ? Rien. On lui a juste dit de faire ça. Gna-gna-gna ! Il s'en fout. Il n'a rien fait. Il a recommencé après. Et maintenant c'est pire. (...) Et regarde, elle ! Elle empêche tout le temps tout le monde de travailler ! Pourquoi on lui dit rien ? J'en ai marre de cette école.

« Exemple d'échange entre nous :
— Et celui-là ! [Il a fait ça, ça et ça.] Pourquoi est-ce qu'on ne le renvoie jamais de l'école ?
— On n'a pas le droit.
— Je sais mais pourquoi ?
— Parce que c'est interdit.
— Mais pourquoi ?!
— Le gouvernement ne veut pas...
— Il est con ce gouvernement !
— Pas de gros mot s'il te plaît.
— Je dis ce que je veux. De toute façon tu peux pas me punir, tu viens de le dire !
— C'est pas une raison.
— Si c'est une raison ! J'en ai marre de cette école et de ton gouvernement !
— Tu sais qu'après ce que tu as fait, c'est toi que je devrais renvoyer de l'école...
— Eh bien renvoie-moi !
— ...pour au moins quelques jours...
— Et renvoie les autres aussi !
— ...mais je ne peux pas.
— Ah ! Tu vois !
— Mais pourquoi est-ce que vous ne vous aimez pas les uns les autres ?
— Aimer qui ? quoi ? [Un nom] cette tarée ?! [Autre nom] ce débile ?
— Eho, tu ne crois pas que ce serait plus simple si chacun se respectait ?
— T'as qu'à leur dire !
— Eh bien je te le dis à toi.
— Eh bien dis-le aux autres ! De toute façon ça sert à rien !
— (...) Au fait, tu ne t'es pas fait mal ?
— Hein ?
— ...quand tu as envoyé Quentin en l'air ?
— Non, pourquoi ?
— Comme ça. Je voulais être sûr que tu ne te sois pas fait mal.

« Je ne cherche pas à argumenter tellement je pense qu'il a raison, et que nous, adultes, avons tort. Je parle bien sûr de ses déductions intellectuelles, de son analyse de la situation ; pas de sa traduction finale débouchant sur des actes d'une violence complètement disproportionnée ! Si l'on omet un instant son dernier accès de colère, ses arguments sont parfaitement valables, clairs, simples, justes. Je n'ai rien à lui opposer. Après ce qu'il vient de faire un quart d'heure plus tôt, je me fais moi-même violence pour ne pas lui avouer que ses arguments contre le laxisme institutionnel actuel sont aussi les miens.

*
* *

« Antoine illustre ainsi son discours de quelques histoires récentes. Je sais qu'il dit vrai. Pourquoi se donnerait-il la peine d'inventer puisque la réalité est là, crue, devant nous ? J'ai presque honte de faire partie de la race des adultes. Qu'avons-nous fait ! Antoine, comme les deux tiers de la classe, est un enfant que l'école — avant toute autre raison — a rendu malheureux. J'eus assez de discussions avec différents enfants de cette classe pour constater que s'il y avait bien UN motif de plainte ininterrompu dans leur bouche, c'était cette école exécrée. (Si je leur demandais : et ça va comment à la maison ? les réponses étaient bien plus positives.) On aime se protèger derrière l'idée que « la société » serait cause de tout... C'est oublier que l'école a beaucoup moins de moyens de pression à sa disposition que n'en ont les parents (au moins ceux qui acceptent de les utiliser) à l'égard des enfants. Et cela se paie.

« Malgré ses neuf ans, je sens Antoine déjà profondément blasé, lassé de l'impuissance des adultes, ulcéré du n'importe-quoi généralisé qui en résulte et qui débouche logiquement sur la toute-puissance arbitraire de quelques-uns au grand détriment du plus grand nombre. A l'instant même, j'ai l'impression d'être le représentant malgré moi de ces adultes qui ont mis tous ces enfants dans cette situation de haine, d'échec et de misère morale. Ce que réclame Antoine, c'est de l'autorité, de la vraie : celle qui passe par des punitions et contraintes véritables, effectives, suffisamment désagréables pour dissuader et faire changer les comportements. Pas nos salamalecs habituels, puérils et inutiles. Pour le coup, je m'en excuserais presque au nom de tous les adultes de ce pays. Nous sommes les grands responsables de ce désastre. J'en oublierais qu'Antoine a failli casser la tête de son voisin...

« Il est assez singulier de constater qu'un enfant de neuf ans, pourtant gorgé de haine, a tout compris du problème de l'école d'aujourd'hui et vous démontre en toute simplicité quelle est la solution à ce problème (créé de toute pièce par l'élite de ce pays tranquillement installée dans ses salons dorés).

« La solution proposée par Antoine, c'est donc aussi la mienne : punir un peu quand il y a une petite faute, punir sévèrement quand il y a une faute grave. Or, puisque les punitions sévères — c'est-à-dire, à notre époque, les sanctions de renvoi (les punitions corporelles d'antan n'étant plus admissibles) — n'existent toujours pas en primaire, on ne peut punir que les petites erreurs mais jamais un acte grave. Un acte grave commis dans une école primaire aujourd'hui en France est par définition « impunissable ».

« Si un jour Antoine tue quelqu'un pour de bon, nous le devrons à ces beaux parleurs : les tenants de l'idéologie anti-sanction à l'école. Ils n'ont toujours pas compris qu'en créant l'impunité leur idéologie crée la haine et le malheur. Et ils osent en plus se présenter comme les défenseurs des enfants !

*
* *

« Passons à Kadi (autre nom d'emprunt). Rappelons qu'il s'agit toujours de la même classe.

« Kadi a alors 11 ans et demi. J'ai de bons rapports avec lui. Certes il est très agaçant mais je ne sais pas pourquoi : on s'entend relativement bien. La particularité de Kadi, c'est qu'il ne fait rien en classe. Quand je dis rien, ça veut dire RIEN. Rien du tout, quoi ! En fait, son seul passe-temps c'est de jouer à « Men in Black » : du fond de la classe il brandit deux grandes équerres et il tue tout le monde... Comme il m'aime bien, j'ai réussi à obtenir une concession de sa part : il n'a pas le droit de viser le maître. Bien sûr, officiellement il n'a le droit de viser personne ! Dans la pratique, il admit seulement qu'il n'était pas convenable qu'il tuât son professeur, même virtuellement ; alors il se contente de tuer dix fois par jour tout le reste de la classe.

« J'entends les récriminations : quoi ! vous laissiez faire ! Vous laissiez donc, M. le professeur, l'un de vos élèves passer son temps à tuer virtuellement tous les élèves de la classe ! Vous tolériez ça ! Vous ne dites rien alors ?!

« Comment vous dire... Expliquons-nous simplement. Dans cette classe, il y avait 28 ou 29 élèves. En général, il y avait donc SIMULTANÉMENT plusieurs incidents à la fois : pendant que Kadi manie ses équerres, Consuelo se lève pour shooter dans un cartable qui la gêne et renvoie aussi violemment sur sa chaise le propriétaire du cartable qui n'aura pas eu le temps de protester longtemps ; à côté, un élève en accuse un autre de lui avoir volé son beau stylo neuf ; par ici, ça bavarde et ça s'insulte ; là-bas, un élève ouvre dangereusement la fenêtre... Et donc, tout est une question de priorité. Si Kadi est seul à jouer avec ses deux mitraillettes en plastique pendant qu'aucun autre ne fait une bêtise, alors oui : je vais dire à Kadi d'arrêter de jouer à Men in Black et que s'il continue je l'envoie chez la directrice. (Comme cette dernière, en l'occurrence, n'hésitait pas à lui faire quelques misères, c'était assez dissuasif.) Alors Kadi accepte de ne plus rien faire. Dans ses bons jours, il consent même à faire quelques figures géométriques sur une feuille. C'est pour ça que je ne peux pas lui interdire le compas. Si je le faisais, je le priverais de la seule activité qu'il aime un peu : faire des ronds et des étoiles avec son compas. Après il les colorie, puis il me les montre fièrement, et je le félicite alors.

« Parenthèse : Kadi est officiellement en CM2, ses parents ayant toujours refusé toute orientation pré- coce, la loi du 10 juillet 1989 leur donnant en matière de redoublement le dernier mot hors fin de cycles (c'est-à-dire sauf à la fin du CE1 ou à la fin du CM2 pour l'école primaire).

« En revanche, si Kadi joue à tuer toute la classe pendant que Myriam jette une trousse à l'autre bout de la classe (avec par exemple un compas ouvert qui s'en échappe), je vais donner la priorité à la trousse au lieu d'embêter ce pauvre Kadi. Si maintenant, pendant que Consuelo s'appuie sur la tête d'un élève quelconque (en attendant avec délectation la réaction à venir), que deux autres élèves sont en train de se menacer de mort plus fortement qu'à l'accoutumée et qu'un quatrième élève vient d'ouvrir la fenêtre, alors je vais donner la priorité à la fenêtre : je ne veux pas qu'Antoine ou consorts m'en balancent un par dessus bord ! En somme et par la force des choses, je dois bien le confesser : Kadi et ses équerres étaient généralement le cadet de mes soucis.

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« Alicia. Dans mon petit organigramme intérieur, je ne la rangeais pas parmi les cinq élèves les plus difficiles de la classe. Mais je dois dire qu'un jour elle ne fit pas preuve d'une grande gratitude.

« Nous sommes sur le trottoir, en train d'attendre notre bus pour aller au foot. Les élèves, pour une fois, semblent assez calmes. Je les éloigne régulièrement du bord du trottoir. Je vois le bus qui arrive. Il se rapproche. Tout va bien.

« Le bus est à dix mètres lorsque subitement Alicia fait un bond en arrière, vers la rue, à l'endroit précis où le bus arrive... Elle vient d'esquiver un geste quelconque d'un autre élève. Comme d'habitude il suffit d'une seconde pour qu'une dispute éclate. Alicia est déséquilibrée et oscille dangereusement au bord du trottoir. Le bus n'est plus qu'à quelques mètres. Je me rue sur Alicia. Je l'attrape par le bras (encore !) et la tire vigoureusement vers moi. Ouf ! Sauvée ! Pour Alicia, mon geste est brutal et c'est vrai qu'il le fut. Sur ce coup-là, je l'admets. Mais je suppose que le bus l'eut été encore plus.

« Alicia, qui ne s'est pas aperçue que sa tête a frôlé le bus, se retourne vers moi, outrée, en éructant : Tu va voir ce qu'elle va te faire, ma mère ! Décidément, ça ne fonctionne pas trop cette année-là avec les mamans. Je dois avoir un problème. Faudrait que j'aille consulter... Au moins mon cardiologue.

« En attendant, je me rends compte de la chance que j'ai eue d'avoir été à côté d'Alicia quand elle a fait ce grand écart vers le bus. Quelques mètres plus loin et je ne pouvais pas la rattraper... (Je n'ose même pas y penser.) Merci la providence !

*
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« Nouvelle parenthèse. Je reviendrai plus longuement un jour là-dessus, mais le lecteur doit déjà bien comprendre qu'avec ce type d'élève AUCUN professeur ne peut faire son travail véritable — vous savez, l'instruction... (quoi ça ?...) l'instruction !... (ah oui !...) — s'il n'a pas plus de pouvoir qu'aujourd'hui. L'habituelle ritournelle « il ne faut pas baisser les bras ! » que j'ai entendue des dizaines et dizaines de fois, surtout de la part des professeurs du primaire, est devenue dérisoire : un leitmotiv plus qu'éculé, un réflexe purement conditionné. Pourquoi ? Parce que dans ce type d'école, les élèves de TOUTES les classes ou presque ont 2 ans de retard dès le Cours Elémentaire et 3 ans de retard au Cours Moyen !

« Vous l'avez compris, ce n'est qu'une moyenne : les meilleurs n'ont qu'un an de retard, et les moins bons, jusqu'à 4 ou 5 ans de retard vers l'âge de 11 ou 12 ans... Autant dire que ceux-là n'ont jamais décollé du CP. Or, ils ont tous comme professeurs des personnes souvent extrêmement dévouées qui « ne baissent pas les bras ». Tout le monde échoue mais l'essentiel est de « ne pas baisser les bras ». Ce qui signifie en clair : tenir bon jusqu'à la fin de l'année, être encore là, au milieu des ruines d'une école publique qui n'en finit pas de se disloquer, et continuer à se croire utile. Le vrai but n'est plus de transmettre des connaissances mais de se prouver à soi-même qu'on a été capable de leur résister.

« Je viens de raconter quelques anecdotes personnelles, mais je pourrais aussi bien retransmettre quelques bons mots de collègues de cette même école. Un jour, telle collègue revient victorieuse, regonflée à bloc, de son heure d'éducation physique : j'ai réussi à les faire travailler 3 minutes ! la semaine dernière, on n'avait rien fait ! Voilà un exemple d'une professeur des écoles qui « ne baisse pas les bras ». Nous applaudissons.

« Un autre jour, parce que j'avais grondé un élève d'une autre classe, qui venait de cracher au visage d'une des rares filles sages de ma classe, sa maîtresse (ma collègue de CM2) me fait signe et me dit à part, en chuchotant : méfie-toi ! t'aurais pas dû l'engueuler comme ça ; je connais sa famille ; fais gaffe parce que la prochaine fois tu vas avoir des problèmes... Je l'avais, c'est vrai, « engueulé » pendant 3 ou 4 petites secondes, prenant soin de ne jamais le toucher. (A force, on progresse.) Mais ma collègue savait de quoi elle parlait : ses cernes m'en disaient plus qu'un long discours. Quand un visage livide rencontre un autre visage livide, ils se comprennent rapidement. J'acquiesçai et remerciai du conseil.

« Après avoir appris qu'il ne faut pas les toucher, j'appris qu'il ne faut pas les gronder.

« Dans ma petite tête de professeur de base, je compte les points : je m'aperçois qu'à chaque fois que je veux (un tout petit peu) sévir, j'ai un problème de plus. Toute tentative de sévérité (très relative) me revient automatiquement à la figure. A cette époque, je commence à comprendre pourquoi de plus en plus de collègues donnent des 20/20 à tire-larigot, offrent des voyages, des sorties, toutes choses « culturelles » formidables — payées bien sûr par le contribuable — qui font d'eux les bons professeurs puisque appréciés des familles (ou moins mésestimés). Je m'aperçois vite qu'à mon modeste niveau un choix s'impose : accepter de laisser les familles gouverner l'école à distance ou alors... partir.

*
* *

« Par ailleurs, comme cela arrive souvent dans une grande école, l'une de nos collègues était enceinte. A un stade où cela devient très visible. Elle en était au sixième mois peut-être et je la voyais avec ses élèves en frémissant d'avance pour elle. Dans sa classe, un CE2, elle avait une sorte de « bande » d'une dizaine d'élèves qui ne lui obéissaient que très difficilement, c'est-à-dire quand ils le voulaient bien. Ils faisaient ce qu'ils voulaient. J'entendais parfois cette collègue hurler après eux, s'énerver, en rattraper un par le bras, un autre par la jambe. Et puis, à force de s'époumoner, elle devait faire une pause pour respirer. Alors la petite bande virevoltait à nouveau dans tous les sens. Cela, c'est ce que je voyais dans le couloir, moi-même aux prises avec mes propres élèves. Je ne pourrais pas dire ce qui se passait exactement à l'intérieur de la classe de ma collègue, mais on en avait quelques échos...

« Sur la question récurrente de la solidarité entre collègues, même s'il n'y en avait peut-être pas assez dans cette école-ci — en terme de traduction concrète — l'esprit de solidarité existait pourtant bien, les collègues se conseillant entre eux, essayant de mener quelques actions communes. Simplement, quand il s'agit de regrouper ses élèves à la fin d'une récréation pour remonter en classe, il est parfois difficile pour un professeur d'aider à regrouper les élèves d'une autre professeur fut-elle enceinte. La solidarité, c'est très bien, mais quand chacun est déjà dans la difficulté, on hésite à s'y mettre encore davantage et il arrive un moment où, sans tomber totalement dans le chacun-pour-soi, il faut bien en revenir à : chacun sa classe.

« D'ailleurs, inutile d'espérer la moindre once d'empathie de la part de la petite « bande » d'élèves en question. Que leur maîtresse soit enceinte, que cela leur fut expliqué en long, en large et en travers, cela n'éveillait pas en eux le moindre sentiment. La compassion, l'attendrissement, sont des choses qui s'apprennent avec l'âge. Ce n'est pas quelque chose de naturel chez l'enfant. Un enfant bien éduqué peut commencer à en avoir, même assez jeune, mais s'il n'a jamais été éduqué en ce sens, cela ne va pas lui venir, comme ça, tout seul. On peut même dire que plus ma collègue était à un stade avancé de son état, plus ils étaient infernaux. Logique : elle a moins de force, donc ils en profitent.

« En pensant au bébé, je me disais : pas même encore né, déjà stressé six heures par jours...
 

Massin

Membre honoraire
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21 Mars 2017
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Quand on voit les fautes que tu fais on se dit qu’Ils devraient continuer...